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Mathilde ROUX & les Territoires

"Une carte est une divagation"

Texte de Nathanaël Gobenceaux d'après la série Territoires.

 

Territoires de papiers, strates colle / calque double calque / imprimé

« Et la superposition des feuilles donne des volumes » (M. Butor)

juste reste 2 petits encadrés 3 petits encadrés 4 petits encadrés qui par occultation du reste du texte tire une phrase.

#1 Où ? LA question du géographe. Où : la spécificité de l’accent (rappelle-toi, l’accent représente la géographie : où / là / icì). Où ?

# Quelle place ? #

Nulle réponse.

 

#2.1 Dans les mots. Cadre. Choix & paysage qui apparaît. Lecture du paysage : depuis l’arrière-plan jusqu’au point culminant. Entre : entre deux : l’espace : l’espace du sentiment.

 

#2.2 En toute chose géographie. En tous mots. En toute carte un poème. Le blanc de la carte, ce n’est pas du blanc : ce sont des mots. Plan & élévation. Comme en architecture. Le plan est une carte : surface plane faussement plane : tirant vers le volume : symbolique le volume : et les mots, ce sont eux l’élévation : les mots ce sont eux qui donnent : le volume de la carte.

 

#3.1 Imaginer, mettre en image, mettre une image sur : la carte. Filtres pré-existants & connaissances & ignorances & expérience. La carte de l’empirisme à l’échelle 1 :1. Pourquoi tant de mots géographiques : arrière-plan / point culminant / lieu / étendue / espace / labyrinthe / monde / étendue / là / ici / … ? Sciemment ?

 

# Trouver les nervures de la géographie dans le socle-rythme de la page #

 

#3.2 La carte tire une fiction. L’esprit vagabonde sur le chemin. Si je ne sais pas rêver sur une carte, je ne peux pas être géographe. J’arpente & serpente. La vue sur la mer. Flux & reflux. Icì j’imagine la côte rocheuse, peut-être un peu de sable dans la crique. Je ne lis pas le texte de fond ; mais je le vois, il s’imprime in mente. Il est soubassement au territoire ; géologie textuelle ; juste deux morceaux – quelques mots ont transpercé la croûte de la carte pour venir affleurer à l’air libre : dans l’étendue tout court.

 

#4.1 L’espace c’est du contraste. Du gris en camaïeux. La carte c’est du code : gris clair = mer / plus sombre est la terre / plus blanches sont les entrelacs de routes. L’arrière texte est un quadrillage, le support rigide d’où les mots artistes émergent. Multiples ruisseaux influence de l’image sur la pensée je lis multiples réseaux.

 

#4.2 Si la carte est sommaire, est territoire à son état brut, encore espace. Si la carte est sommaire je la meuble, je lui donne de l’élévation, ici j’imagine une médina et là Manhattan et ici aussi je veux devenir architecte du pont qui reliera les deux rives.

 

#5 Tous les lieux, tous les mots. Tous les mots sont là à dessein. La carte, c’est du désir, aller ailleurs, imaginer ailleurs, rêver ailleurs. Cachés dans la carte, il y a aussi les bruits. J’imagine le gris sombre en mer, étang dû d’eau avec marée flux & reflux & mouettes & cormorans. Je suis du doigt la route, j’entends le moteur de ma voiture, j’ai une vision de La Presqu’île, erre sur des routes mais ici elles sont à angles droits et urbaines.

 

#6 La carte c’est moult informations, ce sont les éléments du paysage ; le paysage aplati. La carte c’est moult informations mais informations exactement inexactes. Le visible devient symbole, la route est un trait blanc, la rivière un trait double. Et l’invisible devient visible, la frontière y dévoile vibration & ondulations.

 

Je me souviens du professeur de géographie

« la géographie c’est savoir se perdre ».

 

# Echo. Un espoir de nous égarer en chemin. Echo #

 

#7 Je regarde la carte, les cartes. Je m’immerge. Toutes similaires, tous éléments ; toutes différentes. Un espace en engendre un autre ; transition intangible, un espace en appelle un autre. Chercher les points de contacts entre les espaces,

# peut-être en cherchant l’espace qui appelle l’autre #

 

#8.1 L’espace est délimité : dans l’espace d’une page. L’espace prend la forme que je lui donne. L’espace c’est du vide, du support. JE, et l’espace devient territoire. La carte vient se calquer sur l’espace texte. Effacements. Juste quelques mots subsistent. Ici est ailleurs. JE suis centre. JE est ce que je vois. JE est alentours. JE entre dans le territoire inconnu, celui de l’art. De l’artiste. L’artiste porte des territoires en lui. JE suis nombreux dedans. JE suis projections de cartes auxquelles je donne sens. Imaginer c’est donner sens. Imaginer c’est faire l’élévation de l’espace, comme l’architecte élève la façade. Le territoire c’est de l’espace en volume, c’est la 3è dimension : combinaison JE + histoire + architecture. La vie dans les plis ! dans les plis de la géographie.

 

#8.3 Au milieu l’espace noir . Les radiales . qui emmènent ailleurs ou alentours . qui par les petites rues . par les grands détours . ramènent à soi . Je + terre = monde . Je + ville = territoire . le territoire est la ville comme je l’invente . non .

# le dernier et le seul lieu qu’il ne m’est donné d’inventer #

 

#9 Multiples quartiers . sûrement on doit pouvoir les mettre bout à bout . reconstituer l’espace . reconstituer la ville. Ce que je vis de la ville . et l’espace se densifie . de mots et d’images . de pratiques . en principe je suis Christaller . je suis l’espace logique . en principe . en pratique .  en pratique je suis l’espace de mes névroses . je suis l’espace de mes goûts . je suis l’espace de mes peurs . Je suis la carte de mes envies .

 

#10 L’horizon perd la ligne . L’horizon aplati . l’horizon vu par . l’horizon se déploie . l’horizon devient carte . Artiste + cartes + texte = territoire . carte devient territoire par mots assemblés .

# surgissant du néant #

. les mots font l’art & la géographie.

Article paru dans Les Lignes du Monde en avril 2014.

Nathanaël Gobenceaux est écrivain et géographe.

----Lire l'article sur le site Les Lignes du Monde

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